Notre système de santé, comme tous les autres secteurs de notre société, dépend énormément du pétrole. Dans un contexte de hausse future des prix et de raréfaction de celui-ci, c’est une triple dépendance dont il faut tenir compte afin de prendre les bonnes décisions politiques mais aussi citoyennes.
Le transport
Premier poste de consommation, ce secteur est le plus problématique : expéditions de médicaments et d’organes, déplacements des médecins et infirmières à domicile, transports d’urgence et ambulances, mobilité des inspecteurs pour les contrôles sanitaires, etc.
Hélicoptère et ambulance, Hôpital d'Orléans-la-Source, source: Croquant
Tout cela présente un risque de forte hausse des dépenses de santé mais également d’interruption des services en cas de pénurie. En campagne, le manque de médecins, la fermeture des petites structures obligent les populations à se déplacer, les rendant très vulnérables. L’éloignement de l’accès aux soins tend alors à être un facteur de dégradation de la santé publique.
La fabrication de médicaments et d’équipements
De nombreux médicaments sont faits à partir du pétrole et de ses dérivés : l’aspirine, certains antibiotiques, la moutarde azotée (traitement de cancers), mais aussi de nombreux antihistaminiques, antibiotiques, médicaments psychotropes. Les liants de comprimés, revêtements de pilules, bouchons et autres emballages contiennent également des dérivés pétrochimiques. La quantité de produits pétroliers reste faible pour ces applications et le prix du pétrole n’a qu’un faible impact sur le prix des médicaments. Des alternatives existent pour produire ce type de molécules, mais il peut y avoir des ruptures d’approvisionnement momentanées pendant que la filière se réorganise.
Des ruptures d'approvisionnement en tubes de dialyse ont été observées pendant le choc pétrolier de 1973
De très nombreux équipements et consommables sont également fabriqués à partir du pétrole : prothèses, seringues, supports de radiologie, tubes de perfusion et de dialyse, cathéters, poches de perfusion, gants chirurgicaux, lubrifiants, alcool, brosses à dents etc. S’ajoutent également le suremballage et l’utilisation systématique de produits jetables. Comme ce fût le cas suite à l’embargo pétrolier de 1973, il y a un fort risque de hausse des coûts de fabrication et d’allongements des délais de livraison, voire d’indisponibilité de certains produits.
La production d’électricité et de chaleur
La continuité de l’alimentation énergétique des équipements de santé est un élément crucial, or actuellement cette fonction est principalement assurée dans de nombreux hôpitaux par des groupes électrogènes alimentés au gasoil ou au gaz naturel. De plus, les établissements équipés de chaudières collectives au fioul risquent de voir leur facture augmenter très fortement dans les années à venir.
Quelles conséquences ?
Les effets d’un prix du pétrole très élevé sur la santé seront multiples et difficilement quantifiables. Hausse du coût d’une alimentation équilibrée, précarité énergétique accrue : la santé des plus modestes se dégrade. Pour des raisons financières, de plus en plus de citoyens ne prennent plus d’assurance ou de mutuelle, ne consultent plus leur médecin, ou ne peuvent plus se déplacer jusqu’aux centres de soins.
Les nombreuses faillites d’entreprises, les ruptures d’approvisionnement alimentaires, énergétiques et sanitaires, les perturbations dans les transports, les inquiétudes familiales créent un stress permanent et dégradent la santé mentale des populations. Les dégradations des conditions de vie et les difficultés d’accès aux ressources les plus élémentaires risquent d’accroitre les violences familiales, régionales, voire nationales et internationales, les possibles conflits armés étant bien sûr facteur de détérioration de la santé des populations.
Que faire ?
Les pistes sont nombreuses pour diminuer cette dépendance, mais elles doivent être anticipées. En voici quelques exemples pour illustrer mon propos.
Tout d’abord il y a la production naturelle et locale de médicaments. Le diplôme d’herboriste a été supprimé sous le régime de Vichy en 1941 et a complètement disparu. Depuis quelques années, de nouvelles formations en phytothérapie voient le jour et permettent de retrouver ces savoirs. La culture des plantes médicinales est un bon moyen d'améliorer l'autonomie médicale localement.
D’autre part, certaines pratiques (étiopathie, acuponcture…) ne font pas appel aux médicaments et s’intéressent davantage aux origines du mal qu’aux symptômes. Il s’agit là encore d’outils qui méritent d’être regardés de près afin de réduire la dépendance aux médicaments et aux transports.
Cependant, il s'agit de médecines dites "complémentaires", non fondées sur des méthodes expérimentales. Elles ne sont donc pas reconnues par le système de sécurité sociale mais seulement par certaines mutuelles qui ont compris les économies potentielles qu'elles pouvaient réaliser.
Concernant la fabrication des médicaments qui peuvent s’avérer indispensables, il est généralement possible de substituer les dérivés du pétrole par des constituants naturels. Il faut donc inciter les industries pharmaceutiques à faire avancer la recherche dans ce domaine et à faire évoluer leurs procédés.
Le transport d’urgence des personnes restera un point complexe à gérer car il ne sera évidemment pas possible de mettre des hôpitaux partout. Au contraire, le gouvernement précédent a même décidé de fermer 54 établissements en France, ce qui rend la population encore plus vulnérable aux problématiques d'énergie et de transport. Par ailleurs, une réflexion doit être engagée sur les difficultés d’accès, pour les citoyens, aux centres hospitaliers situés à l’extérieur des grandes villes.
Enfin, une bonne répartition des praticiens sur le territoire doit être également étudiée, car c'est le seul moyen de permettre à chacun d’accéder aux soins en toutes circonstances.
Les élus locaux ont là encore un rôle important à jouer pour améliorer cette situation. Il est important de vérifier la présence, sur chaque territoire, d'une réponse suffisante et sécurisée aux besoins sanitaires de la population. Mais l'acteur déterminant sera le citoyen, responsable de sa propre hygiène de vie, de ses choix médicaux et de l'attention qu'il porte à ses proches.