Prix du pétrole et prix de l'alimentation: pourquoi sont-ils liés ? (mise à jour 05/2011)

17 août 2010

A travers certains articles de ce site, j'ai montré que les prix du pétrole allaient  augmenter fortement et durablement, avec une certaine volatilité au gré des périodes de récession.

Il y a au moins trois raisons à cela:

  • la production va décliner, donc il y aura moins de pétrole pour tout le monde.
  • les pays producteurs consomment de plus en plus et exportent de moins en moins.
  • les pays émergents voient leurs importations augmenter fortement.

Parmi les conséquences de cette hausse, je voudrais attirer votre attention sur le prix de l'alimentation et expliquer pourquoi il est lié à celui du pétrole.

Pour de nombreux citadins, le circuit de l'alimentation se résume au rayon de supermarché. J'ai faim, je prends ma voiture, je vais au supermarché dont les rayons sont forcément pleins, et j'achète mes tomates et mes fraises, même si c'est au mois de décembre.

Dès lors, certaines questions ne sont même plus posées:

Comment sont produits les fruits et légumes ? D'où viennent-ils ? Combien sont payés les producteurs ? Quels produits ont été utilisés pour la culture ? Quelles sont les contraintes des agriculteurs ?

Nos esclaves énergétiques sont très efficaces et effectivement, nous ne connaissons même plus les réponses à ces questions. Essayons d'analyser un peu la situation.

Production agricole et énergie

Je ne vais pas ici raconter l'histoire de l'agriculture, certains le font mieux que moi comme dans le film "Solutions locales pour désordre global". Je veux juste revenir sur l'évolution des pratiques qui peut être illustrée par la révolution verte, c'est à dire une combinaison de variétés à haut rendement, d'intrants de synthèse pétrochimiques (NPK) et d'une grande quantité d'eau.

Pour résumer, les machines et produits chimiques ont remplacé la main d'œuvre, les surfaces moyennes des exploitations et la pollution des eaux et des sols ont explosé, le nombre de paysans, la connaissance de la terre et la biodiversité des sols diminuent chaque jour un peu plus.

Ces modifications majeures pourraient sembler idéales (c'est un mirage !) dans un monde sans limites et dans lequel l'énergie est quasi-gratuite. Ce n'est évidemment pas le cas et la démonstration est faite que les paysans, en plus d'être devenus dépendants de firmes semencières, sont de plus en plus étranglés par les coûts et voient la fertilité naturelle des sols disparaître.

Que représentent les coûts de l'énergie pour les agriculteurs français ? Je dirais que cela dépend bien sûr des pratiques agricoles. Mais nous savons que pour les cultures dites "conventionnelles", ce sont 26,5% des charges d'exploitations qui sont liées au prix du pétrole à travers l'énergie (chauffage, carburant), les engrais et les produits phytosanitaires. Pour les grandes cultures (céréales, oléagineux et fourrage) la proportion passe à 46,5% ! C'est considérable ... 

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Logistique et énergie

Ce thème a déjà fait l'objet d'un autre article sur l'incroyable bilan carbone d'un pot de yaourt à la fraise. Je vous invite à aller le lire ou relire afin de constater que la logistique extrêmement complexe mise en place à travers le monde pour la circulation des marchandises impose une consommation d'énergie démesurée. 

L'autre exemple cité par Cécile Duflot des Verts est celui des salades de la plaine de Montesson (surface agricole à 7 km de la Défense) qui parcourent 500 km pour arriver au supermarché situé à 3 km des champs.

Cette situation est presque inévitable, notamment à cause de la spécialisation agricole des régions. Le système a privilégié le rendement et les économies d'échelle à la diversité des cultures, ce qui a conduit à faire disparaître la souveraineté alimentaire des régions et impose de multiples transports pour distribuer la production.

Les deux graphiques suivants (Indices calculés par Emmanuel Bailly, 2008) montrent les indices de souveraineté alimentaire des région Rhône-Alpes et Île de France. Tous les indices inférieurs à 100 indiquent, pour les aliments concernés, qu'il y a plus de consommation que de production locale.

ISA-rhones-alpes-copie-1.JPG

Indices de souveraineté alimentaire en Rhône-Alpes


   ISA-IDF-copie-1.JPG

Indices de souveraineté alimentaire en Ile de France

Le constat est sans appel et il est le même dans toutes les régions: la souveraineté alimentaire régionale n'existe plus.

Cette organisation, dans un monde où l'énergie est chère, ne peut plus être fonctionnelle. En effet, les sociétés de transport comme les exploitants agricoles sont très vulnérables à l'augmentation du prix des énergies fossiles. Un doublement du prix du pétrole peut faire disparaître, pour ces sociétés, la notion même de profit.

Pétrole et alimentation: un mariage forcé qui ne peut plus durer !

Le constat est le même à l’échelle de la planète.

La production de masse, les méthodes de cultures et la logistique complexe ont finalement généré une indexation du prix de l’alimentation sur celui de l’énergie, c’est ce que montrent ces courbes du FMI.

petrole-alimentation

Le graphique suivant permet également de constater qu'il y a une évidente corrélation entre le prix du baril et l'indice des prix de l'alimentation.

petrole-alimentation2.JPGSource: Paul Chefurka, 2010

 

Étant donné la situation énergétique de la planète, on peut et on doit se demander:

Quelles seront les conséquences d'une explosion des prix du pétrole sur la production et la distribution de notre alimentation ?

Il est urgent de repenser l'organisation de notre système alimentaire.

Tous les acteurs de cette filières sont devenus extrêmement vulnérables aux crises énergétiques. Par voie de conséquences, ce sont tous les citoyens qui sont devenus vulnérables car c'est la réponse à un besoin vital qui est remise en question.

J'aborde des pistes de solutions dans un autre article.


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