Extraire du pétrole pour... extraire du pétrole pour...

03 décembre 2012

Bien souvent, les commentateurs abordent la question du pétrole sous un angle purement économique. Il n'est pas rare d'entendre "avec un baril à 100$, on a 100 ans de pétrole!". Il est vrai que, jusqu’à présent, la hausse des cours du pétrole était le principal facteur permettant d’accéder à de nouvelles ressources. C’est d'ailleurs le cas aujourd’hui avec le développement des sables bitumineux du Canada ou du tight oil aux États-Unis, qui sont devenus rentables depuis la hausse importante des années 2000. Non seulement les économies basées sur la croissance ne peuvent pas se satisfaire durablement d'un prix si élevé du pétrole, mais il existe aussi et surtout une limite physique à l’exploitation de certaines ressources.

 

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ERoEI (Energy Return on Energy Invested)

L’ERoEI est le rapport entre l’énergie récupérée et l’énergie consommée pour sa production. Pour accéder à une ressource énergétique, il faut d’abord investir une certaine quantité d’énergie. Par exemple, pour exploiter l’énergie solaire il faut fabriquer, installer et maintenir des panneaux solaires ou des centrales à concentration. Pour exploiter l’énergie du vent, il faut fabriquer, installer et maintenir des éoliennes etc. C’est aussi le cas pour le pétrole car il faut chercher les gisements, vérifier leur productivité, fabriquer et mettre en place tous les équipements puis effectuer la production. Prenons l’exemple du pétrole américain dans les années 1950. A cette époque, il fallait investir 1 baril pour en récupérer 25. On dit que l’ERoEI est de 25 ou encore 25:1 (vingt cinq pour un).

Pour le pétrole et le gaz, la comptabilisation de l’énergie consommée s’arrête généralement au moment où le pétrole ou le gaz arrive en tête de puits. Les étapes de transport, de raffinage, de distribution et d’utilisation ne sont pas prises en compte, pas plus que les impacts environnementaux. Par conséquent, l’ERoEI réel est plus défavorable que les estimations reportées dans le graphique suivant.

 

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Energie nette

L’énergie nette est la quantité d’énergie qu'il reste pour la société après avoir soustrait l’énergie utilisée pour la production de cette même énergie. Son unité peut varier selon les besoins (kWh, Tep, baril…). L’énergie nette consiste à soustraire l’énergie consommée dans le processus de production à l’énergie totale récupérée.

 

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Au début de l’exploitation industrielle du pétrole, 1 baril dépensé permettait de récupérer 100 barils, l’ERoEI était donc de 100:1 (cent pour un). L’énergie nette disponible pour la société était donc de 99 barils pour chaque baril investi. A cette époque, le pétrole affleurait le sol, il était très liquide et facile à extraire et le taux de retour énergétique était excellent.

Très rapidement, des limites physiques ont commencé à apparaître telles que la baisse de pression dans les gisements, l’augmentation de la profondeur, de la viscosité du pétrole, de la densité des roches. Ces barrières ont pu être dépassées techniquement mais au prix d’une dépense énergétique et d’une consommation de matériaux croissantes. Par exemple, après avoir été divisé par 4 entre 1930 et 1950, l’ERoEI moyen de l’industrie pétrolière américaine est passé de 24:1 à 11:1 entre 1954 et 2007. Autrement dit, il faut dépenser deux fois plus d’énergie aujourd’hui qu'en 1954, aux États-Unis, pour obtenir la même quantité d’énergie nette disponible.

Un ERoEI élevé signifie une énergie nette disponible élevée pour la société. Autrement dit, la construction de notre civilisation industrielle durant les décennies passées a été rendue possible grâce à l’immense quantité d’énergie nette disponible, car il suffisait d’en investir très peu pour en récupérer beaucoup. L’énergie nette est alors utilisée par tous les autres secteurs (construction, santé, agriculture, loisirs…). 

Aujourd'hui, si l’on considère que l’ERoEI des sables bitumineux est estimé à 5 en moyenne, cela signifie qu’une quantité équivalente à 20% de l’énergie récupérée est consommée dans le processus de production. Plus directement, cela voudrait dire que sur une production de 4,5 Mb/j estimée en 2020 pour le Canada, ce sont seulement 3,6 Mb/j qui seraient vraiment disponible pour la société.

Pire encore pour l’éthanol de maïs, dont l’ERoEI est estimé à 1, ce qui signifie que la production d’éthanol de maïs n’apporte pas d’énergie à la société.

 

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EROEI minimal pour une société

Dans le contexte du déclin des gisements actuellement en production, les choses sont en train d’évoluer et les regards se tournent aujourd’hui vers les ressources non-conventionnelles dont l’ERoEI est de plus en plus bas (sables bitumineux, pétrole extra-lourd, biocarburants, tight-oil, shale oil et shale gas). Or il y a un seuil, un ERoEI minimum au dessous duquel une société ne peut pas descendre pour pouvoir soutenir son activité économique et ses fonctions sociales. En effet, si l’énergie ne sert qu’à produire de l’énergie, il ne reste plus rien pour permettre à une société de fonctionner.

Le seuil infranchissable de l’ERoEI global pour le fonctionnement durable d’une civilisation telle que la nôtre serait autour de 8-10. Il est donc illusoire d'attendre de la part des hydrocarbures non-conventionnels qu'ils nous apportent croissance et prospérité pour les siècles à venir, il faut se résoudre à diminuer nos besoins et à repenser le modèle de société, en tenant compte de ces nouvelles contraintes.

 

Note 1: Cet article est en partie issu du rapport "L'Europe face au pic pétrolier", disponible en téléchargement sur le site peakoil-europaction.eu



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